La généalogie


Préambule

Cette section choisit délibérément d'aller à l'encontre des habitudes de cette discipline et essaie de développer, en la matière, une démarche alternative : faire perdurer la mémoire de gens du peuple, ordinaires, qui auraient dû logiquement rejoindre les oubliettes de l'histoire, et à quoi la nouvelle donne numérique offre une échappatoire.
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(DP) - Waldburg Ahnentafel

Une discipline bien cadrée

Pour ceux que le sujet intéresse, les ressources ne manquent pas pour définir ce qu'est la généalogie. À commencer par un portail Wikipédia (rien que cela ! Très au-delà d'une simple page !), en poursuivant par de nombreuses associations, sites dédiés (GénéaNet, FranceGenWeb…), publications...

On peut dégager quelques idées fortes concernant cette discipline dans sa version traditionnelle :

- Pendant longtemps il s'est agi d'une discipline essentiellement aristocratique et à but utilitaire : faire valoir ses « quartiers de noblesse » d'une part, et garantir la répartition des héritages d'autre part. À ce titre elle n'est évidemment pas neutre du tout. Ce court extrait du film Ridicule de Patrice Lecomte dépeint avec justesse cet aspect du métier de généalogiste :

© Universal Pictures - courte citation

- Latéralement à cette tendance, existe une version religieuse destinée à légitimer des familles « élues » et une filiation putative depuis les origines supposées de l'humanité (descendance d'Adam et d'Ève, de Noé ou d'Abraham…) avec la version inverse de personnes maudites par filiation comme dans le système des castes de l'Inde.

- On peut faire mention à cette occasion de l'Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours (les Mormons), dont une des missions premières utilise la généalogie. À l'aide de moyens financiers importants, ils offrent une source de documentation très large à travers leur site FamilySearch, et ont apporté des contributions majeures à la généalogie moderne, comme la norme GEDCOM utilisée désormais par la majorité des logiciels de généalogie :
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- Dans presque tous les cas, les buts et les moyens de cette discipline (tels que décrits entre autres dans cette page wikipédia, mais également sur les principaux sites dédiés) sont de performance en matière d'arborescence. Il s'agit de remonter le plus loin possible, d'avoir l'arbre le plus fourni, le plus prestigieux, de raccrocher (parfois de manière tirée par les cheveux !) sa généalogie (on le fait presque toujours à titre personnel d'abord) à une personnalité noble ou célèbre…
Critique et limites de la vision traditionnelle de la généalogie

- Il y a une dérive élitiste évidente de la généalogie, qui permettrait de distinguer de bonnes lignées (avec idée implicite d'une transmission de certaines qualités par le sang), de légitimer certains pouvoirs et/ou certains héritages. Naturellement les lignées mâles sont systématiquement privilégiées et les branches des épouses considérées comme secondaires si pas négligeables. Dans tous les cas, les implications de nature morale ou éthique sont évidentes.

- L'absence de numérotation universelle de la norme GEDCOM rend chaque recherche unique et isolée, fondée sur l'individu (n°1/de cujus) qu'on a choisi comme point de départ (ascendant ? descendant ?), et sur les choix de l'extension aux collatéraux etc. Le GEDCOM permet, certes, une standardisation (relative) des fiches et donc leur échange, mais pas leur intégration automatique au sein d'une arborescence unique (qui n'est d'ailleurs pas forcément souhaitable en soi). Il en résulte automatiquement un grand nombre de doublons, avec la difficulté induite de déterminer, dans les recherches, si on est en présence d'une nouvelle branche ou d'une branche existante présentée différemment.

- Surtout l'existence des implexes rend cette recherche finalement vaine car statistiquement non pertinente comme le montre ce dossier très complet sur la progression théorique du nombre de nos ascendants.

- À la limite, il y a une nature « collection » ou « performance » de la généalogie en tant que telle, qui est du domaine du futile voire du puéril : comme avec les Pokémon la consigne serait : « attrapez-les tous ! » (et accrochez-les sur l'arbre généalogique ?), ou comme ces images de footballeurs qu'on collait dans un cahier Panini.

Une vision alternative

- Une démarche inverse refuserait l'appropriation au profit de l'offre. Il ne s'agirait alors plus de chercher à faire valoir une quelconque supériorité issue d'une ascendance supposée (sur ceux qui en auraient une moindre voire pas du tout !), mais d'offrir en partage des connaissances ou des documents risquant de disparaître.

- S'agissant de familles populaires, souvent peu pourvues en archives, écrits anciens… trouver le moyen (par la numérisation) de protéger le peu qui reste du vieillissement ou des accidents de la vie.

- Surtout, concernant ceux qu'on a connus et qui nous sont chers (et cela peut/doit s'étendre au-delà de la famille administrative, comme le propose Jean-Jacques Goldman dans sa chanson Famille), leur offrir une postérité qui, sinon, se résumerait à deux ou trois dates d'état-civil. Il s'agit d'associer à leur nom, à leur fiche, toutes les informations (en particulier orales et mémorielles) dont on dispose et qui, sans cela, disparaitraient avec les derniers témoins.

- Il y a dans cette perspective des notions de racines, de mémoire, de devoir de mémoire vis-à-vis des personnes qu'on a aimées, de lutte contre l'oubli, d'inscription au sein d'une histoire plus vaste (témoins de leur époque ou de faits marquants) qui nous font prétendre à une certaine légitimité si pas originalité.
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Quelques liens supplémentaires vers ce film magnifique de François Truffaut : une critique de qualité, et un extrait sur YouTube.